Comment faire face aux émotions

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Comment faire face aux émotions

Voilà la question que se posait une personne de mon entourage, dernièrement. Question qui part de la prémisse un brin naïve mais absolument fausse, que l’on doit « gérer » nos émotions ou, plus simplement, que l’on doit en faire quelque chose. Une réaction qui en dit long sur la valeur accordée à ces mêmes émotions qui sont pourtant les nôtres. Il est clair que pour la plupart, nous aimerions bien nous passer de ces émotions. Pourtant, elles sont bien là et ont ce pouvoir terrible de s’imposer à nous avec une force qui témoigne de leur désir de s’exprimer librement. Librement à travers nous. Cela dit, comment se positionner, mentalement, face à ce qui nous apparaît souvent comme étant un problème à régler, plus qu’une solution à vivre ?

Imaginons que nous ressentions ce problème comme étant d’actualité pour nous. Tout d’abord, nous devons nous poser cette question : « Qui ressent ce qui est actuellement ressenti ? » La réponse est évidente : « Moi ! » Dès lors, nous ne pouvons plus avoir peur de NOUS exprimer, car l’idée, dès le départ, est que nous allons nous exprimer nous mais également au sujet de nous, de ce que nous ressentons, en notre for intérieur. Les autres, ne sont que des déclencheurs de ce qui se produisait déjà en nous, mais plus ou moins consciemment, à cause de cette fâcheuse habitude de nous cacher à nous-mêmes nos sensations, perceptions et émotions parmi les plus dérangeantes.

D‘ailleurs, si nous avons cette fâcheuse tendance à projeter sur autrui la responsabilité de ce que nous ressentons pourtant en nous, c’est justement à cause du fait que certaines formes de ressentis DÉRANGENT quelque chose en nous. Et bien sûr, ce quelque chose se résume à nos conditionnements mentaux. Toutefois, pas à n’importe lesquels d’entre eux : essentiellement ceux qu’au fil du temps, nous avons nous-mêmes finis par accepter, par entériner, voire par considérer comme évidents et vrais. Partant, il ne nous est plus possible, ensuite, de faire mentir ce que nous tenons pour vrai.

Dès qu’une émotion ne correspond pas (ou plus) aux canons de nos idéaux personnels – et peu importe leur origine première – nous avons ce réflexe faussement salvateur d’accuser les autres de ce qu’ils nous imposent ou nous font subir… Comme émotions. En somme, sans cette réaction viscérale de nier ce qui est pourtant clairement ressenti, nous serions tous plus ou moins confrontés à nos paradoxes intimes, à nos contradictions formelles qui sans cesse, font un bras de fer avec ce que nous ressentons et qui semblent souvent nier ce en quoi nous croyons. Également, nous pouvons avoir honte de nos émotions. On nous a enseigné que s’exprimer librement à propos de nos divers ressentis, était soit « mal », soit « impoli ». Si ce n’est pire.

Sans compter qu’il est des émotions qui parlent de nos véritables faiblesses humaines mieux que nous ne saurions le faire nous-mêmes. Ce sont donc nos divers conditionnements mentaux qui nous poussent soit à nier ce que nous ressentons, soit à en projeter la responsabilité sur autrui. Le problème c’est que cet autrui est dans une démarche semblable, pour ne pas dire identique. Dès lors s’engage un autre bras de fer, un peu comme si le combat intérieur ou intime, était projeté à l’extérieur et dans cette arène qu’est devenue la vie. Celui qui gagne ce combat désolant qui ne peut compter que des perdants, est celui qui est capable de faire admettre à l’autre non pas tant qu’il a tort, mais plutôt qu’il a bien raison de vouloir cacher ses émotions. Plus sobrement, l’autre tentera toujours de vous faire croire que vous auriez mieux fait de vous taire ou, plus exactement, de FAIRE TAIRE vos émotions.

C‘est pour cette raison que nous nous retrouvons souvent confus, vexés ou même blessés, à la suite de certaines rixes verbales capables de faire ressortir nos peurs, nos doutes et, en somme, notre incapacité flagrante à ignorer notre valeur et notre force véritables. Et il est peu utile de définir si nous avons tendance à nous sous-estimer ou à nous surestimer. Ici, le sujet est de bien comprendre que nous n’avons AUCUN intérêt à nier, refouler ou simplement ignorer nos émotions, quelles qu’elles soient, car ces dernières ne nous ignoreront pas. Tôt ou tard, elles jailliront de nous comme le pétrole jaillit d’un nouveau forage couronné de succès. Mais dans ce cas, que nous est-il conseillé ?

En premier, mieux vaut être toujours intègre et honnête envers soi-même. Ensuite, ne pas chercher à vibrer trop au-dessus de l’humain. La spiritualité présente des pièges que l’on ne peut connaître qu’une fois tombé dedans. Et le plus dangereux de tous est encore celui qui fait croire à un chercheur de lumière, qu’il est devenu autre chose que ce qu’il a toujours été, à savoir… Humain. La pire chose, pour un spiritualiste, c’est encore de se croire si différent des autres qu’il ne puisse vivre au milieu d’eux sans être inévitablement incommodé par eux. Si nous sommes incommodés, c’est forcément par quelque chose qui se trouve en nous. Cette légende selon laquelle ce sont les autres qui nous dérangent ou nous blessent par ce qu’ils rayonnent, est encore la plus grosse ânerie que cette forme actuelle de spiritualité dévoyée pouvait véhiculer.

D‘ailleurs, que cette idée nauséabonde ait pu être retenue puis encensée, est la preuve, s’il en faut, que l’être humain a très peur d’assumer le contenu de son être, en particulier de la partie purement humaine. Il est un fait que les autres ont un certain rôle à jouer dans notre existence terrestre. À ce propos, il n’est pas dit que ce ne soit pas une partie de notre être global qui INVITE cordialement ces autres à venir poser un index suspicieux sur nos blessures pourtant réputées guéries. Comment savoir si la paix, l’amour, la joie ainsi que les plaisirs que nous vivons, sont l’expression la plus honnête ou sincère de ce qui se produit en nous, y compris à notre insu ? Sommes-nous heureux ou essayons-nous seulement de nous le faire croire ? Pour le vérifier, rien de plus simple : attendez que quelqu’un vienne vous tester en la matière ! Vous verrez que vous n’aurez pas à attendre longtemps !

En conclusion, nous proposerons ceci : Lorsque vous ressentez une émotion puissante, ne cherchez plus à la nier ou à la chasser et encore moins à l’édulcorer par on ne sait quelle croyance moderne ou ancienne. Plongez-vous littéralement dans ce bain énergétique en sachant que vous ne risquez rien. Explorez l’étendue et la puissance de vos émotions. Et si vous pensez que vous devez absolument parler de ce que vous ressentez, face à un tiers, n’oubliez jamais que quoique vous puissiez penser puis affirmer ensuite, vous allez seulement parler de vous et seulement de vous ! C’est votre propre ressenti, pas celui de l’autre. La preuve, lorsque vous tenterez d’en projeter sur lui la responsabilité, il niera en avoir la paternité. Et pour cause ! Avant de dire ce que vous avez sur le cœur, sur VOTRE cœur, n’est-ce pas, prévenez votre (vos) vis-à-vis que vous éprouvez le besoin d’exprimer votre ressenti et que ce dernier n’est en rien une tentative d’incriminer les autres.

Et dans le cas où une personne se conduit volontairement de manière à blesser ? Il existe, et nous le savons tous, des personnes qui adorent « lancer des piques », comme on dit. En l’occurrence, que faire ou que dire ? Dans ce cas comme dans tous les autres, demeurez honnêtes et francs. Expliquez à l’autre que ce qu’il dit (ou fait) est désagréable à entendre (ou à supporter) et que s’il recommence, à l’avenir, cela vous donnera la preuve qu’il le fait sciemment pour blesser ou flétrir. N’accusez jamais dès la première fois : laissez aux autres la chance de vous prouver leur bonne foi, si cette dernière existe vraiment. Ne présumez jamais : laissez à autrui le soin de vous parler d’eux.

Dites seulement que pour cette (première) fois, vous ignorez en effet ses intentions réelles mais comme vous venez de prévenir cette personne que vous n’aimez pas du tout ce qu’elle a fait ou dit, si elle recommence, vous aurez alors la preuve d’un désir, besoin ou réflexe consistant à tenter de vous vexer ou de flétrir l’image que vous avez de vous-mêmes. Toutes choses que cette personne détesterait qu’on lui fasse, bien évidemment.

Et du même coup, la personne sera également obligée de reconnaître qu’elle le fait sciemment si elle insiste et récidive. Ceci instruira donc les deux parties et vous évitera sans doute de fréquenter des gens qui ne vous tolèrent pas. Cela dit et à l’évidence, cette démarche psychologique implique le fait que vous soyez un minimum indépendant. Car vous aurez certainement du mal à placer une distance à la fois psychologique et physique entre vous et l’un de vos parents, si vous êtes toujours en attente de quelque chose de sa part. Bien souvent, si nous acceptons d’être brimés, humiliés ou simplement critiqués à la moindre occasion, c’est parce que nous attendons quelque chose de la personne dont nous devenons du même coup la victime consentante.

Mais ceci est une autre histoire…
 

Serge Baccino
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