Crédible ou pas

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Crédible ou pas ?

Quand nous étions encore de tout jeunes enfants, nous affirmions parfois des choses qui faisaient sourire nos parents. Pourquoi ne se mettaient-ils pas en colère ? Pourquoi ne nous prenaient-ils pas au sérieux ? Désormais, nous connaissons la réponse. Ce que nous affirmions alors n’était pas en mesure de les faire réagir, que ce soit d’une manière ou d’une autre. Ils n’étaient ni impressionnés par notre degré d’intelligence, ni d’ailleurs affligés par notre absence d’intelligence. Les enfants n’ont pas à être intelligents, voyez-vous, puisque ce ne sont que des enfants, après tout.

Alors nous savons, grâce à cette expérience lointaine que ce qui n’est pas sérieux ne peut pas être considéré comme important. Du moins, aux yeux de ceux qui se supposent habilités à juger en la matière. Et ce qui n’est pas sérieux ni important, ne peut pas émouvoir autrui, cela au point de réagir pour en défendre ou en dénoncer le degré supposé de crédibilité.

En somme, ce qui ne produit pas de réaction « en contre » ou ne pousse pas à croire sur parole, ne consiste pas en quelque chose de crédible, car il n’est pas possible de croire ou de refuser de croire sans réagir. Réaction qui, généralement, est accompagnée d’une émotion tendant à confirmer ou à infirmer ce à quoi l’intellect est confronté comme proposition de savoir (information.)

En général, les gens acceptent plus volontiers de croire en tout ce qu’ils connaissent et ratifient déjà. Ce n’est pour eux qu’un simple rappel du fait qu’ils sont déjà d’accord avec une idée quelconque. À l’inverse, la réaction opposée consiste à rejeter puis à nier d’emblée, tout ce qui pourrait venir perturber les certitudes déjà installées à demeure et auxquelles certaines personnes tiennent comme à la prunelle de leurs yeux.

Évidemment, croire uniquement ce que l’on cautionne déjà et refuser d’office tout ce qui ne correspond pas aux certitudes acquises, ne consiste pas en une preuve de véracité. Mais ici, la vérité nous intéresse moins que le degré de crédibilité. En effet, le propos est de laisser librement constater les faits : ce qui ne nous touche pas ne peut pas nous faire réagir et ce qui nous touche au point de nous faire réagir, consiste obligatoirement en la présence ou en l’absence, en nous, d’une proposition à laquelle nous pouvons être ponctuellement confrontés.

Aussi bien, nous pourrions dire ici que si réaction il y a, de notre part, c’est qu’un certain degré de crédibilité est alors invoqué ou… Craint ! S’il est facile de comprendre les réactions bienveillantes de celles et ceux qui pensent déjà comme nous, il est moins aisé de définir, avec quelque précision, pourquoi certains qui ne pensent pas la même chose, voire qui sont persuadés du contraire, réagissent comme si le degré de véracité de leurs certitudes, dépendait surtout de l’absence pure et simple de tout avis différent ou opposé.

Un peu comme si tous ceux qui pensent d’une manière opposée, avaient ce pouvoir quasi-démoniaque de s’opposer à leur libre-pensée ! Dans l’absolu, en quoi le fait qu’un autre ou même des milliers d’autres pensent l’inverse de nous, peut-il bien « menacer » notre propre certitude à propos d’un sujet donné ? On peut aller jusqu’à comprendre en quoi le fait que tous pensent et réagissent de la même manière puisse être rassurant ou sécurisant pour beaucoup, mais est-ce pour autant un signe évident de crédibilité ?

Ne pourrions-nous pas tous nous tromper en pensant tous la même chose et en réagissant tous de la même manière ? Tout comme le fait qu’un homme soit le seul à penser et à réagir comme il le fait, n’est pas un signe flagrant qu’il soit nécessairement « dans l’erreur. » Il est clair que personne ne peut être certain d’être « dans la vérité » ou même, d’être crédible aux yeux d’autrui, mais une fois encore, là n’est pas notre propos, trop philosophique pour être intéressant, du moins en l’occurrence et à notre avis.

Notre propos est de souligner que personne ne semble s’inquiéter de comprendre pourquoi certains qui ne pensent pas comme les autres, se sentent obligés de devenir agressifs lorsque ces mêmes autres refusent de se relier à leur bannière mentale. Normalement, le seul fait d’être sûr de soi, d’être en harmonie avec les idées défendues avec sobriété s’entend, devrait suffire à rendre un être humain heureux et paisible de surcroît.

Pourtant, ceux qui veulent faire passer l’idée pour le moins étonnante que seule leur manière de penser présente un degré maximum de crédibilité, semblent vivre « sur les nerfs » et surtout, être enclins à se battre avec ceux qui refusent de penser comme eux. Au point d’en arriver à critiquer la personne qui défend une idée jugée stupide (ou « complotiste »), perdant du même coup de vue que c’est seulement l’idée qui, prétendument, n’était pas recevable, du moins au départ. La personne n’a pas à être incriminée.

Pourquoi glisser ainsi et quasiment à chaque fois, de l’idée refusée d’emblée à la critique de la personne en elle-même, alors que la plupart du temps, cette personne nous restera inconnue ? Qu’est-ce qui est touché en la personne qui s’affole, face à ce qu’elle défini d’office comme étant l’adversité, et d’où vient cette hypersensibilité à la différence d’opinions d’autrui ?

Lors d’un rapide survol mental, il serait tentant d’en conclure que les gens qui réagissent ainsi, comme s’ils étaient montés sur ressort, ont peur de toute idée pouvant éventuellement remettre en cause et donc, mettre en péril les leurs. Ce qui serait recevable d’un point de vue psychologique, puisque par ailleurs, c’est effectivement le cas. Peu ou prou. Mais ce serait s’arrêter à deux pas de la fontaine, alors que le but premier était d’étancher notre soif de compréhension des choses et des êtres et donc de soi.

Il faut se souvenir que certaines personnes ont très mal vécu leur enfance, leur adolescence et ensuite, leur vie professionnelle et sentimentale. Non pas que ces périodes de leur vie fussent toutes désastreuses mais bien parce qu’elles leur permirent d’arriver à la conclusion irrecevable que l’on a toujours tort, que seuls les autres ont raison et qu’ils ont le pouvoir de nous faire taire, voire de nous faire payer chèrement tout manquement à leur dictature officialisée. Un peu comme nos parents qui avaient toujours le dernier mot sur nous et contre lesquels nous n’avions absolument aucun pouvoir, lorsqu’ils décidaient, à tort ou à juste titre, de légiférer à propos de nos caprices d’enfant.

Or, ces personnes qui n’ont jamais pu penser et se conduire librement, ont retenu, de ces époques, le fait que leur degré de liberté dépendait exclusivement du fait que les autres cèdent ou non à la pression. Exemple : à force d’insister auprès d’un parent, de lui casser les oreilles et user sa patience, il finissait par céder et accepter d’offrir à l’enfant tout ce qu’il désirait. En somme et comme pour l’argent, pour être riche soi, il faut que d’autres « acceptent » de rester pauvres. Ainsi, pour réussir à porter le masque sans se sentir sous tutelle gouvernementale, il faut à tout prix que ceux qui refusent de le porter soient considérés comme des fauteurs de trouble, voire comme de dangereux complotistes. Ici le complot se résumant à refuser de penser comme tout le monde et surtout, comme ceux qui ont un besoin viscéral d’avoir raison.

« Pour que je puisse être libre de porter le masque sans me croire en dictature, tu dois accepter d’en faire autant. Sinon, tu me fais passer pour un con au mieux, pour un lâche au pire. Et, surtout, tu me prives moi de ce que je désire incarner en toute liberté » !

Voilà ce que pense, plus ou moins consciemment, celui dont la liberté ne peut exister que si les autres en sont privés. Comme durant leur prime enfance et sans doute plus tard, alors que pour faire la volonté d’autrui (parent, police, patron, gouvernement, etc.), il leur a fallu et il leur faudra encore et toujours, sacrifier la leur. Raisonnement typiquement humain, basé sur le sentiment de dualité, lui-même basé sur l’idée rétrograde en diable, qu’il n’existe pas assez de plaisir et de bonheur pour tout le monde, mais juste pour ceux qui se présentent comme étant les plus forts. Et donc, comme les plus agressifs et les plus orgueilleux de tous.

Il est vrai que certains sont hyperconscients de manquer de liberté et qu’ils en ont franchement marre de devoir se plier en silence à la vindicte de ceux qui s’imposent comme dirigeants des peuples. Dommage seulement que cette forme d’hyperconscience n’inclue pas également l’idée que ce qui concerne un seul, concerne tous les autres et que là où peut aller un seul, tous peuvent aller ensuite, voire en même temps. Chacun de nous a dû plier sous le joug illégal et inhumain des pouvoirs (plus ou moins occultes) en place. Croyant être libres de choisir qui peut nous gouverner, nous avons surtout émis l’idée terrible que nous avons plaisir à être gouvernés ! Et certains n’ont pas insisté pour que nous nous répétions !

À présent que chacun a compris dans quelle impasse psychologique nous étions rendus, une partie de la populace espère se dédouaner (ne pas voir la vérité) en accusant l’autre partie de cette même populace, des pires maux et donc, de toutes les responsabilités. Ainsi, si les dictateurs en venaient à sévir plus encore, la première faction du peuple se retournerait contre la seconde, arguant du fait que c’est de leur faute. Il est clair que le fait que tout un peuple se taise et obéisse, sans jamais rechigner, sans jamais chercher à comprendre, est très reposant. Surtout pour les tyrans de toutes espèces.

Cela dit, tout comme un bébé qui pleure ne le fait pas forcément pour empêcher sa mère de dormir mais par exemple et plus sobrement, parce qu’il a faim, de même, nous pourrions en arriver à croire, pourquoi pas, que si une certaine partie du peuple, toujours la même soit dit en passant, se plaint de maltraitance, c’est peut-être parce que cette partie du peuple a cessé, elle, de se tromper de problème et donc, d’ennemi. Se plaindre serait donc devenu synonyme d’avoir tort ? Aucune plainte ne serait recevable ?

Moralité : ceux qui s’attaquent à ceux qui ne partagent plus leur avis sur ce qui se passe actuellement, prouvent qu’ils sont immatures et incapables de réaliser encore, d’où vient le véritable problème et qui est l’ennemi commun. La qualité déplorable de leur manière de vouloir imposer leurs idées, en dit long non pas sur leur degré de souffrance, mais sur leur désir de faire passer la souffrance dans le camp d’autrui, plutôt que d’aider les autres à la faire disparaître à jamais.

 

Serge Baccino
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