Pourquoi nous évoluons si lentement ?

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Pourquoi nous évoluons si lentement ?

 

Réponse : à cause de notre méthode évolutive ! (La technique spécifique que nous employons pour évoluer, donc.) En effet, notre évolution est « séquentielle et additionnelle », à savoir que pour avancer, il nous est imposé, comme méthodologie, d’ajouter un segment de connaissance à tous ceux déjà assemblés entre eux (et formant ainsi le corps de connaissance actuel.) Un peu comme si pour confectionner une canne à pêche très longue, il nous fallait assembler, en les vissant les uns aux autres, les différents segments de cette même canne à pêche. Mais cette méthodologie est assez risquée, attendu qu’elle nous impose de conserver les segments précédents et même, de nous y référer afin de leur visser nos propres découvertes ou nouveautés.

Et pour que le segment suivant puisse s’harmoniser au précédent, il doit nécessairement produire un « embout » de départ correspondant à l’embout de fin du dernier segment connu, reconnu et donc considéré comme seul utilisable.

Partant, si les segments précédents ne sont pas fiables ou simplement incomplets, notre ajout sera nécessairement faussé ou affaibli par ceux auxquels il est obligé de se relier. Cela impose également de suivre une logique de  montage ayant pour origine le passé, alors que l’évolution nécessite une marche en avant vers le futur et implique de ce fait la poursuite d’un but, et non la continuité d’une origine (ou prémisse) réputée seule valable, cela aussi reconnue et admirable qu’elle puisse être par ailleurs. Et il est un fait que lorsqu’une personne essaye d’innover, le premier réflexe est de lui réclamer de « citer ses sources » !  Preuve s’il en est que la méthode d’évolution est absolument illogique, pour ne pas dire mieux.

Avec une telle méthode, le génie se résume à suivre le même chemin que tous les autres et à détruire l’individualité, en plus de la véritable créativité, qui nécessite liberté de conscience et d’acte pour se manifester puis s’épanouir.

 

L’évolution consiste à abandonner une condition ou une connaissance pour une autre : faire durer le passé ou même tenter de construire le futur sur un passé nécessairement révolu, ne peut conduire, au mieux, qu’à une évolution imperceptible et au pire, qu’à une involution, c’est-à-dire à une régression pure et simple.

Le génie disparaît lorsque l’innovation n’est plus possible.

De fait, il importe moins de savoir si cette méthodologie sert les buts inavouables de quelques-uns, soucieux soit de conserver le pouvoir, soit de masquer leur propre incompétence à avouer leurs erreurs les plus grossières et durables, ou si elle résulte simplement d’un manque d’intelligence. L’intérêt est avant tout de prendre conscience d’une problématique puis d’en définir non pas l’origine, mais sa cause actuelle, puisque c’est actuellement que s’établit (ou se manifeste) la prise de conscience évoquée ci-dessus.

Comment est-il possible qu’une telle aberration puisse perdurer, sous l’œil si peu réactif de personnes se prétendant intelligentes par ailleurs ?

Trouver la raison actuelle de la persistance d’une méthodologie aussi affligeante, permet non pas d’y mettre un terme mais plus prosaïquement de s’en extraire et ce, définitivement. De s’en extraire soi ! Le tout est de définir, une fois pour toute, si l’évolution la plus rapide et décisive, pour chacun, est celle de l’humanité prise comme un tout, ou bien celle de l’individu, considéré comme faisant parti intégrante de ce tout. Qu’est-ce qui est le plus difficile à faire bouger, en somme. La masse laborieuse de celles et de ceux qui ont besoin de se sentir unis au moule social (besoin de reconnaissance personnelle de la part de tous les autres) ou bien la conscience d’un seul et unique individu ?

Avons-nous besoin des autres pour évoluer, pour nous améliorer, pour réussir notre vie, etc. ? Ou avons-nous seulement besoin de le faire en même temps que tous et chacun à leur rythme unique, ceci afin de ne pas encourir les foudres de ceux qui avancent moins vite et préfèrent retarder les autres plutôt que de se mouvoir plus vite ? Ceux qui affirment dépendre du bon vouloir d’autrui sont en fait prisonnier de leur petit confort mental. L’évolution est affaire d’individualité, car le rôle des masses, comme le terme l’indique, se résume à « peser » par le nombre et donc, à choisir la vitesse moindre, plus sécurisante, certes, mais qui nécessite une planification des consciences en règle. Se plaindre de devoir rendre des comptes ou d’être forcé à « citer nos sources », revient à refuser d’assumer sa propre problématique humaine.

Celui qui se plaint est en fait l’artisan unique de son propre malheur, voilà pourquoi il n’évolue pas. Il attend que les autres lui permettent de le faire en toute sécurité. Mais évoluer lentement, voire cesser carrément de le faire, est-il si sécurisant que cela ? A chacun et, surtout, individuellement, de répondre à cette redoutable question ou, plus sobrement, à « répondre de soi » !

 

Serge Baccino