Soi ne peut être égoïste

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Soi ne peut être égoïste

Le titre pourrait laisser penser à un thème philosophique de plus, du genre : « Le Soi ne saurait être égoïste puisqu’il est d’origine divine, et bla, bla, bla… » Il est vrai que les gens raffolent de ce genre de platitude qui, ne voulant rien dire, ne peux qu’être compris. Ou pas. C’est égal, n’est-ce pas ? Eh bien oui, puisque de toute manière, la philosophie ne sert qu’à « philosopher », une manière polie de dire qu’il est permis de parler pour ne rien dire, du moins, de parler de choses qui ne dérangeront pas les autres durant leur sieste séculaire.

Mais la psy éso ne fait pas de philosophie. Elle a même l’habitude de venir secouer les endormis durant leur sieste, justement ! Réveillez-vous, braves gens ! Vous dormiez ? Mais non, voyons, ce n’était que d’un œil, l’autre restant ouvert à toutes fins utiles. Car comment savoir à quel moment faire encore plus mine de dormir, si on ne peut voir arriver de loin, les empêcheurs de roupiller en rond ? Or donc, nous affirmions, plus haut, qu’un Soi ne saurait être égoïste. Diantre ! Et pourquoi cela, je vous prie ? C’est ce que nous allons voir ensemble, pour ne pas dire démontrer gaiement.

Une personne qui vous réclame quelque chose, le fait parce qu’elle se fie à ce qu’elle ressent. Et elle ressent le besoin d’obtenir quelque chose. Ce besoin, elle est tout naturellement concentrée dessus, ce qui est la meilleure manière de le ressentir et donc, d’en prendre conscience ! Cette personne en demande est donc on ne peut plus attentive à son propre ressenti qui lui crie à l’oreille : « J’ai besoin de ceci » ou encore, « J’ai très envie de cela. » Gageons que jusqu’ici, tout le monde aura suivi ? Mais c’est ensuite que les choses se gâtent. Parce que voyez-vous, cette personne qui est en demande et qui en est consciente, cela parce qu’elle se fie à son ressenti, va se fier et être conscient de deux ressentis, et non pas d’un seul, comme on pourrait l’imaginer.

Le premier ressenti, le plus simple et évident, consiste en son besoin ou désir. Quel est le second ressenti qui provoquera, en toute logique, la seconde prise de conscience ? Puisque cette personne est « en attente d’autrui », qu’elle attend d’un autre qu’il satisfasse ses besoins à elle, on peut imaginer que cette personne en demande est surtout une personne qui ne se croit pas capable de subvenir à ses propres besoins ou désirs. Raison pour laquelle elle réclame d’un autre de les satisfaire à sa place.

Question : pourquoi la personne en demande ressent-elle cette incapacité à subvenir à ses propres besoins ou désirs ? Réponse : parce qu’elle PENSE qu’elle en est incapable. Du coup, elle est bien obligée de se tourner vers les autres afin qu’ils fassent quelque chose pour faire cesser ce feu qui la mine (besoin/désir.) Très bien, mais pourquoi cette personne pense qu’elle est incapable de faire ceci ou bien cela ? Parce que durant la période de sa prime enfance, l’un quelconque de ses proches parents a réussi à le lui faire croire.

Alors la personne étant persuadée de son incapacité à exaucer ses propres désirs (par exemple), elle sera obligée de sentir cette pensée qu’elle croit véritable et, c’est véritablement qu’elle en vivra le contenu formel (ce que raconte la pensée ou l’idée négative de départ.) En somme, une fois qu’une pensée, une idée, un concept ou une croyance quelconque possédant un caractère débilitant s’est installée dans la subconscience, l’émotion qui lui sera liée par la suite et cela, d’une manière indéfectible, tendra à « prouver » le degré de véracité de ce qu’exprime l’idée négative de départ.

Soyons logiques : si vous pensez que vous avez peur et que vous sentez la présence, en vous, d’un sentiment de peur, pourquoi voudriez-vous nier ce qui prend pour vous les allures d’une évidence ? De même si vous sentez que vous avez raté votre vie, c’est parce que vous le pensez en arrière-plan et, surtout, à votre insu. Personne n’a un accès direct et entier à son subconscient. Tout ce qui y est inscrit l’est souvent à notre insu. Et même si nous avons su une chose jadis, cette chose est à présent oubliée. Et bien qu’elle fasse techniquement partie de nos Mémoires, ces Mémoires-là ne sont pas immédiatement accessibles et du coup, nous n’en avons pas conscience. Nous ressentons donc une émotion, mais nous en ignorons LA CAUSE. Il est vrai qu’en toute logique, seuls LES EFFETS sont apparents (d’où leur nom, n’est-ce pas.) Les causes, quant à elles, demeurent toujours « inconscientes », ce qui explique pourquoi nous avons tant de questions au sujet de nos malheurs, de nos souffrances, de nos inaptitudes, etc.

Nous disions donc que la personne en souffrance étant persuadée d’être incapable de faire certaines choses et que c’était la raison pour laquelle elle en ressentait l’angoissante pression. Il est ici question de « pression », parce que le désir « pousse » mais la croyance en l’incompétence de s’assumer « freine » et cela, en même temps. Lorsqu’un désir est trop fort et que nous sommes persuadés d’être incapables de nous débrouiller seuls, alors il pourrait sembler « normal » de se tourner vers autrui. Notez le « sembler normal » ! Et pour mémoire, ce réflexe est conditionné par l’attention qui a été portée à un besoin ou un désir quelconque. Vous suivez toujours ? Cool, car c’est maintenant que l’on va un peu se marrer et inverser carrément les valeurs morales ! Chiche ? Alors c’est parti !

On va dire que vous, qui lisez ces lignes, vous êtes le demandeur, la personne persuadée d’avoir besoin d’aide « et pour cause » ! Ce qui est le cas de le dire, mais passons. Vous prêtez attention à vos besoins et vous venez me voir pour me réclamer quelque chose, peu importe quoi, mais une chose que vous croyez être incapable d’obtenir par vos propres moyens. À présent, faites jouer un peu votre imagination et oubliez deux minutes les canons poussifs de la morale judéo-chrétienne, OK ? On va dire que votre phrase : « Je sens que tu dois m’aider » (par exemple) me fait un tilt d’enfer et que je me dis alors que si vous avez le droit de vous fier à ce que vous ressentez, j’en ai le droit également, non ?

Mieux encore : puisque vous portez une attention quasi compulsive à votre ressenti, un besoin ou désir quelconque, alors je puis en faire de même, en ai le droit voire le devoir moral ! Seulement voilà : en quoi consiste mon propre ressenti, en l’occurrence ? Il consiste en ce que je pense, consciemment ou pas. Et nous dirons ici que même inconsciemment, je pense très fort que chacun est capable de se démerder seul et en a même le devoir absolu ! Du coup, je vais ressentir une forte envie de vous envoyer sur les roses, de vous dire de vous démerder seul et comme un grand ! Ce n’est en rien négatif puisque c’est exactement ce que je ferais moi-même, si les rôles étaient inversés !

Par contre, si les rôles étaient inversés, le dépendant ne pourrait pas à son tour subvenir aux besoins d’un autre, incapable qu’il est déjà de se démerder tout seul ! Et comment va réagir le dépendant/demandeur, lorsqu’il va réaliser qu’il ne sera pas aidé ? Dans notre jeu, c’est de vous qu’il s’agit, hein ? Suivez un peu, que diable ! Je viens de vous inviter à aller vous faire aimer ailleurs (version soft) et vous, vous ne dites rien ? Non ??? Vraiment ? Pas de réaction intempestive du genre « si tu refuses de m’aider je me fais pipi dessus » ou un truc du genre ? Mais quelle maîtrise !

Car en général, c’est là que le demandeur qui, ne l’oublions pas, croit devoir dépendre d’autrui pour être heureux, place un viril : « Mais ne sois pas aussi égoïste, bon sang ! Tu ne penses toujours qu’à toi ! » (Ou un truc du genre.) En clair, le dépendant vous interdit de faire comme lui, sans plus, à savoir… Rester concentré sur et fidèle à votre propre et seul ressenti ! Dès lors, qui est le véritable égoïste, dans l’histoire ? Celui qui refuse d’aider ? Dans cette version, cela peut encore passer, oui. Mais que dites-vous de notre version psy éso ? La voici résumée ci-dessous :

« Te fiant à ton ressenti, tu me demandes de t’aider. Me fiant au mien de ressenti, je refuse de le faire et de cautionner, en passant, l’un quelconque de tes schémas mentaux à la noix. Si je suis égoïste de me fier à mon propre ressenti, alors tu l’es également en te fiant au tien. Nous sommes donc soit deux égoïstes, soit c’est l’un des deux qui se sert de règles de morale poussiéreuses pour tenter de manipuler l’autre, de lui forcer la main. À toutes fins utiles, je garderai mon égoïsme et tu devras garder ton sens inouï de la générosité. De la générosité des autres envers toi seulement ! »

Observez le visage de tous ceux qui ne rigolent plus, vous aurez la liste exacte de tous ceux qui vont devoir rester… Dans le besoin !

 

Serge Baccino