La face cachée de Matrix
Tout le monde, ou presque connaît, au moins de nom, le film Matrix, en particulier le premier, celui de 1999. Bien que les autres soient sans doute plus intéressants encore, non pas d’un point de vue cinématographique mais plutôt du fait qu’il faut attendre la suite pour connaître et comprendre certaines intentions cachées, disséminées à l’intérieur de cette histoire qui, et c’est fait exprès, ressemble étrangement à l’histoire de l’humanité.
De notre humanité s’entend. Vous souvenez-vous de ce personnage qui, dans cette série de film, trahit ses amis, car il rêvait de déguster un bon steak saignant ? Vous souvenez-vous qu’il précise même qu’il est parfaitement conscient qu’il ne s’agit là que d’illusion gustative, mais il s’en fout royalement ! Ce qu’il désire par-dessus tout, c’est de retrouver le goût.
Le goût de la viande ? Non, sûrement pas ! Il a surtout besoin de retourner à son illusion perdue, à ce qui lui faisait croire que tout allait bien, en ce temps-là. Avez-vous, dès lors et en suivant simplement la suite des évènements, dans le film, compris le message sous-jacent, la programmation neuronale impossible à capter si on n’est pas déjà libre jusqu’à un certain point ?
Libre de penser mais, surtout, conscient du pouvoir formateur et, surtout, déformateur de la pensée. Cet homme qui trahit ses amis est seul dans l’histoire de Matrix. Il s’était éveillé, certes, mais très vite, sa vie d’avant lui a cruellement manqué. Mais qu’est-ce qui lui a surtout manqué ? Voici les faits, dans toute leur cruelle évidence.
Très honnêtement, que pensez-vous de la vie que mènent les « éveillés », dans ces films de Matrix ? Pensez-vous qu’ils ont désormais la belle vie, du fait de s’être extraits de la Matrice ? Pensez-vous que leur vie est devenue dès lors idyllique et qu’ils nagent dans le bonheur, en plus d’être libres et conscients de la vérité ? Ou bien est-ce tout le contraire ?
Ne donnez pas « un avis » : fiez-vous simplement au scénario on ne peut plus vicieux de ces films à succès. Ne retenez que ce qui est montré sans fard ni sous-entendu, mais telle une évidence. Et que nous apprennent les faits ? Ils nous disent simplement, et par le biais autorisé du scénario, que de s’éveiller n’a pas « un prix », comme le croient les puristes, mais possède un coût proprement exorbitant !
Voilà ce qui est affirmé clairement par le scénario même des Matrix successifs. Dès l’instant où Néo est sorti de la Matrice, il a dû faire face à tous les dangers possibles et imaginables. Son mentor lui apprend que tout est illusion, au sein de la Matrice, mais il oublie de mentionner très clairement un détail pour le moins fâcheux : dès à présent, Néo n’est plus un homme libre mais un être « en cavale perpétuelle » qui devra se cacher, lutter, avoir peur et affronter mille périls, du simple fait d’avoir osé se libérer.
Commencez-vous à comprendre où se situe le piège psychologique ? Et nous ne parlons pas que pour Néo et pour ses acolytes ! Car que croyez-vous qu’il puisse se passer dans le subconscient des générations successives qui ont vu, voient et verront ces quelques opus ? Qu’est-ce qui va être retenu, finalement, par le subconscient qui, et pour mémoire, fonctionne par déductions et associations d’idées ?
Voici ce qui va être retenu et qui fera loi : « Chercher à se libérer de la Matrice n’est pas rentable car dès lors, nous devenons des parias qui n’ont nul lieu pour se cacher, qui vivent dans la peur d’être découverts ou qui doivent sans cesse se battre pour défendre leurs idées, qui ne peuvent plus faire confiance en qui que ce soit ou en quoique ce soit. Et finalement, qui sont trahis par leurs proches qui regrettent amèrement de s’être laissés entraîner par un enthousiasme aussi excessif qu’irrationnel. Car qui aimerait « vivre » de la sorte, soi-disant au nom d’une liberté qui nous enferme encore plus mais différemment ? »
Alors oui, nous vivons tous au sein d’une Matrice Artificielle, la chose est entendue. D’ailleurs, tout le monde ou presque est conscient de ce qui ne va pas, mais le Deal est de fermer les yeux et de regarder du côté où l’herbe est encore grasse et verte. Mais si on compare notre vie actuelle, encore potable par bien des aspects, avec ce qui tient lieu de « vie » de tous ceux qui se révoltent contre les pouvoirs en place, la conclusion est vite faite et elle est généralement sans appel.
La voici en peu de mots : « Mieux vaut vivre sans liberté réelle mais en conservant tous ses acquis, que de s’attaquer à plus fort que soi et terminer sa vie dans la misère sociale et la déchéance humaine. »
S’il vous plaît, la prochaine fois que vous ressentirez l’envie de visionner de nouveau l’un quelconque des films Matrix, songez juste quelques minutes à ce que vous venez de lire ici puis essayez d’affirmer, ensuite, que ce film est une Ode à la vérité et à la liberté des êtres humains esclaves de cette Matrice.
Puis essayez de voir si la vérité ne coïnciderait pas mieux avec le besoin viscéral de l’être humain, de demeurer l’esclave de tout ce qu’il a lui-même créé en esprit et dans son mental, afin de ne pas avoir à se renier lui-même.
Lætitia Beretti et Serge Baccino
