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Les trous de conscience
Il y a la pensée et il y a la conscience. La conscience est continue, la pensée est dite séquentielle. Lorsque nous pensons, il y a des « trous de conscience », à savoir des espaces plus ou moins larges qui se situent entre deux pensées successives. C’est cet espace entre deux pensées qui nous intéresse ici.
Les anciens disaient que c’est justement dans cet espace entre deux pensées, que se situe la conscience. Ceci n’est qu’une demi-vérité. En fait, ce serait vrai SI, et seulement si, outre nos processus mentaux usuels (et nécessaires), nous étions des individus conscients. Mais pour la plupart, ce n’est pas le cas. De fait, pour la plupart, l’espace qui sépare deux pensées est vide. Non pas vide dans l’absolu, puisque le vide n’existe pas, mais vide d’eux-mêmes.
Autrement dit, il n’y a personne de conscient de soi, entre chaque séquence de pensée. Cet état de fait a engendré une sorte de « stress animique », relatif à une forme d’intuition concernant les éventuels dangers consécutifs à ces espaces vides de soi. Alors les gens se sont mis à penser non pas d’une manière séquentielle, comme les animaux et leurs Déva, mais d’une manière dite « linéaire », à savoir le fait de maintenir un rythme le plus soutenu possible au niveau du flux de pensées. Une pensée après l’autre, et ainsi de suite.
Cette tentative pour le moins naïve visant à « combler les vides » par d’autres pensées et ce, sur un mode soutenu et répétitif, ne règle absolument rien au problème. Tout au plus le retarde-t-il. Hélas, le fait de diminuer le nombre de « trous de pensées » ne les supprime pas pour autant. Même divisé par dix, il reste des espaces vides de conscience de soi, du moins si la personne n’a pas encore réussi à s’individualiser, cela au point de devenir « autoconsciente » (conscience de soi.)
Cela dit, en quoi est-il gênant de présenter ce type d’absence, de « trou » ou de « vide de soi » ? Le problème est assez simple et l’expression « absence de soi momentanée » répond déjà en grande partie à la question. En bref, tandis que nous sommes « absents à nous-mêmes », quelque chose d’autre peut être présent pour nous et à notre place. Voyez-vous la chose ?
De quoi s’agit-il ? Parlons-nous de « possession démoniaque » ou autre bizarrerie inquiétante ? Non, pas vraiment. Ou pour être plus précis, « oui et non à la fois » ! Il n’est pas question d’évoquer les démons ou autres joyeusetés bizarroïdes issues du Moyen Âge. Il est question de « véritable possession », dans le sens mental de ce terme, à savoir, le fait de ne plus posséder la faculté de penser librement et par soi-même, mais « d’être pensé » et si l’on peut dire.
« Être pensé » au lieu de penser soi ? Oui, ne plus être aux commandes de ses propres processus mentaux conscients, mais voir déferler en notre mental une foule d’idées ne nous appartenant pas et issues d’on ne sait où. C’est du moins l’impression que cela pourrait donner et quand on a le loisir de le réaliser (en reprenant le fil de notre conscience ou de nos processus mentaux volontaires.)
D’où proviennent ces processus mentaux paraissant autonomes et ne nécessitant pas notre intervention pour se produire de manière logique et ordonnée ? L’origine est connue depuis fort longtemps : l’Inconscient Collectif. Ce dernier est le réservoir à penser pour toute l’humanité. Lorsque nous ne voulons pas penser, il arrive très souvent que nous pensions tout de même, y compris à notre insu, sans que nous en ayons la moindre conscience.
Les rêves sont d’ailleurs un exemple fameux de ce processus de pensées autonomes. Nous ne cherchons pas à rêver et n’en avons pas la moindre envie ni volonté, et pourtant, nous rêvons tout de même. Cela parce que durant la période nocturne, nous ne sommes pas mentalement conscients. Le « vide de conscience de soi » est donc maximal, pour ainsi dire et pour simplifier à outrance.
Ainsi et pour nous résumer, l’espace entre deux pensées successives, n’est pas nécessairement rempli de conscience : il peut représenter une sorte d’opportunité malsaine, pour l’I.C. de s’immiscer dans nos processus mentaux volontaires. Le résultat est que nous croyons penser librement alors que nous sommes pensés par quelque chose d’autre que nous.
Le problème, et qui nous a permis de faire allusion à une forme de « possession mentale », est que dès lors, nous risquons d’en arriver à la conclusion apparemment logique, que « nous avons de mauvaises pensées » (par exemple), alors qu’il s’agit de tout autre chose et qui ne relève en rien de notre responsabilité immédiate.
Sans aller plus loin dans la partie théorique et donc technique de cet intéressant sujet, nous pouvons déjà en retirer quelques conclusions apaisantes pour notre moral, car nous venons de réaliser, en somme, que nous ne sommes en rien responsables de toutes les « saletés mentales » qui nous passent par la tête et que, finalement, nous ne sommes peut-être pas aussi négatifs ou « médiocres » que nous pouvions en être arrivés à le croire.
Et rien que cela méritait la lecture de cet article, n’est-ce pas ?
Serge Baccino