Le prix de la liberté

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Le prix de la liberté

Dès l’enfance, on nous dicte une volonté autre que la nôtre. D’abord les parents, puis l’enseignement et/ou la religion, puis un employeur et bien entendu, la loi et l’état, censés œuvrer « pour le bien de tous » avec ses différentes contraintes. Sans compter que si nous désirons réussir à gagner de l’argent « honnêtement », il nous faudra nous résigner à en reverser une part (plus que) conséquente à cette entité se souhaitant inattaquable que l’on nomme l’état. Y compris si cette dernière n’a même pas le courage d’assumer directement ses exigences et crée, afin de noyer le poisson, d’autres entités secondaires qui auront à charge de faire respecter ses règlements (par exemple les impôts.)

Ainsi et dès le départ, l’être humain est soumis à une autre volonté que la sienne, et sa seule chance d’être « heureux » (ou de réussir à se le faire croire), c’est de satisfaire au mieux ces diverses volontés, dans le but d’en retirer quelque bénéfice (encouragements, reconnaissance, récompenses, etc.) Dès lors, l’être humain devient si dépendant de cette résistance à l’effort d’une éventuelle volonté propre, qu’il se retrouve très vite confronté à deux choix : soit continuer ainsi à satisfaire tous ces « dieux » (autorités autres que la sienne), soit il s’en sert pour grandir, pour muscler son âme et la rendre apte, un jour, à déborder cette force d’opposition, lui volant pour ainsi dire son rôle premier (contraindre) et la transformant en possibilité de dépassement de soi.

Dans le premier cas de figure, le phagocytage psychologique et mental, la personne « s’éteint » au profit de cette pluralité de dieux, de ces volontés autres que celle qu’elle n’aura même pas eu le temps et le plaisir de développer. Dans le second cas de figure, non développé plus avant dans le présent texte, la personne réussit, intérieurement, à dépasser toutes ces volontés annexes, ce « paganisme mental », et se confectionne ainsi une solide individualité. Mais notre présent but est de proposer des pistes de réflexions au sujet de l’origine de ce cruel manque de volonté et donc, d’individualité, que présentent ceux qui, sans le savoir ni le vouloir et donc, sans être encore capables de le reconnaître au moins, forment la partie la moins réactive et donc la moins libre d’un peuple tel que celui de la France.

A présent, passons brièvement en revue chacune des principales volontés autres que celle d’une personnalité lambda. Ici, nous partons de la prémisse quasi indiscutable que la somme de chacune des ces volontés autres, a eu raison, plus ou moins définitivement, de la volonté et du libre arbitre réel de la personnalité. De la plupart des personnalité qui forment un peuple. Pour commencer :

1. Que veulent les parents, au départ ? L’argument général de base est « Le bonheur de mes enfants. » Mais comme ces enfants consistent en fait (et à leurs yeux) en leur propriétémes » enfants), c’est donc aux parents et toujours selon eux, qu’il échoit le rôle de définir ce qui est bon ou pas pour « leurs » enfants. Autrement dit, la définition même de ce qui est bon pour l’être qui se propose d’apparaître ainsi, passe par le savoir déjà acquit des parents. Dès lors, il n’y a pas « production » d’une personnalité nouvelle autant qu’originale, mais reproduction de personnalités (pluriel) anciennes et à l’origine de la méthode d’apprentissage et de son contenu.

En clair, chacun de nous et dès le départ, se voit imposé la somme de tous les états d’esprits précédents qui servent ainsi de support génétique à notre évolution. Et comme tout est double, le conditionnement se fera sur la base génétique ET mentale, puisque nous aurons également un souvenir très net de ce que nos parents voulaient et désiraient que nous devenions et soyons « plus tard. » Un plus tard déjà conditionné par un jadis… Multiple autant qu’impérieux.

2. Que veut (et exige) l’enseignement scolaire ? Quel est son but à long terme et pas toujours immédiatement accessible à l’entendement ? Réponse : fournir à tous un enseignement unique au sujet de croyances, d’expériences et d’évènements, appartenant à d’autres, vécues par d’autres et s’étant produit selon le seul témoignage d’autrui. Il est alors décidé, pour tous, de ce qui est vrai ou faux, possible ou impossible, connu ou bien à ignorer le plus possible. En somme, un enseignement plus que de seconde main seulement, ayant pour but évident de construire une pensée unique quasi impossible à éluder par la suite, puisque l’avenir professionnel et social des étudiants, dépendra en grande mesure de leur capacité à retenir ce qui a été enseigné, et de leur degré d’alignement sur ce qu’ils en auront compris (actes concordants exigés.)

Hélas, chacun de nous étant pressenti à l’origine pour être unique (et uniquement lui), un enseignement semblable pour tous apparaît dès lors comme au moins indélicat, pour ne pas dire mieux. Et le fait que l’intention première ou originelle (détruire toute opportunité d’individualisation) soit perdue de vue au fil du temps, laissant ainsi vierge nos contemporains de toute volonté de nuire sciemment, cela n’interdit pas de relever au passage les dangers pourtant évidents d’une planification des consciences.

3. Les croyances religieuses : l’être apprend qu’il existe un Dieu au-dessus de lui qui, s’il est censé représenter l’amour inconditionnel (sic) n’en souhaite pas moins et très fort, que l’homme s’aligne sur les séries de commandements qui jalonnent l’enseignement religieux, quel qu’il soit. Est-il seulement utile de mentionner au passage les différents sévices qui attendent, dans l’Après-Vie, ceux qui osent se détourner de « la volonté de Dieu » ? Évidemment, l’être n’a pas les moyens d’un accès direct à cette fameuse déité, car il doit absolument, sous peine de rejet voire de représailles, passer par ceux qui seuls, connaissent la volonté de Dieu et s’en font les uniques exécuteurs testamentaires. En somme, non pas une simple croyance directe, mais là encore, une croyance « par procuration » et de seconde main, si ce n’est pire.

La peur est mauvaise conseillère, dit-on. Ce n’est sans doute pas ce que pensèrent les premiers prélats de l’église (pas très) catholique romaine ! D’aucuns se diront non-croyants, voire carrément athées. En réalité, ils confondent le conscient avec le subconscient. Tout le monde, peu ou prou, a été affecté par l’une ou l’autre des croyances religieuses les plus débilitantes et productrices de doute, de honte, de peur et, bien sûr, impliquant ce besoin viscéral de suivre un autre que soi, qui sait plus, qui peut plus, etc. Ce que veulent dire les gens prétendument athées, c’est qu’ils n’ont pas conscience d’abriter des croyances. Ce qui ne signifie pas qu’ils n’en existent aucune, se produisant en eux mais à leur insu ! Ils pensent avoir « des opinions politiques » mais ils croient en fait à quelque chose qui pourra ainsi les conduire, les plaçant ipso facto à la seconde place. Ce qui est le propre d’une croyance débouchant sur une forme d’asservissement.

4. Un employeur est celui grâce auquel nous pouvons accéder à cette forme étrange de « dignité sociale » qui consiste à gagner sa vie honnêtement, grâce à nos efforts, certes, mais aussi (surtout ?) grâce au fait que d’autres ont cette chance inouïe de posséder déjà l’argent qui nous manque encore. Ici, l’obtention de ce qui nous permet de vivre dignement et sereinement, passe par le devoir de gagner un argent qui, au préalable, appartient à un autre. Ce qui a pour principal effet (voulu) de nous placer, psychologiquement parlant, plus ou moins à la merci de la volonté, voire des caprices, de cet employeur. Pour être payé en retour, il ne faudra pas se contenter de fournir un travail convenu par avance : il faudra surtout obéir et répondre aux caprices éventuels de cet employeur.

L’idée est donc qu’il n’est pas possible de gagner de l’argent qui n’appartienne à personne, mais seulement d’obtenir celui qui appartient déjà à un autre. Ce concept est à la base de tous les abus des employeurs commis sur leur employé. Un employé qui, désormais, « s’emploie » surtout à satisfaire un autre que lui. De plus, l’idée que l’argent que nous briguons appartient au départ à un autre, nous permet de mieux vivre (façon de parler) le fait que d’autres nous voleront l’argent durement gagné, en prétextant que c’est là la seule manière de faire fonctionner correctement une société humaine moderne. En réalité, l’argent peut être gagné et provenir de… Personne en particulier, puisque appartenant au (véritable) « Trésor Public » (Tout l’argent disponible pour tous, et qu’il est possible de gagner sans qu’un autre le perde ou exige quelque chose en compensation.)

Pour l’instant, le fameux « trésor public » (les impôts) consiste en le trésor volé au public, puisqu’il se résume au fait de s’approprier de droit l’argent gagné par tous puis de laisser entendre sournoisement qu’il est et demeure à la disposition de tous. Alors qu’il ne peut appartenir qu’à ceux qui en ont un besoin viscéral pour se donner, eux aussi, l’illusion de vivre.

Nota : ce soudain engouement, depuis quelques années, de vouloir « se mettre à son compte » afin de passer outre la déité nommée « employeur », découle d’un sentiment très net de dépendance et d’un besoin viscéral (et heureux par ailleurs) de s’en défaire au plus vite. Hélas, on ne se défait pas d’une programmation mentale en tentant d’agir ou de réagir à l’extérieur ou socialement ! Ce que l’on sent en soi, reste intérieur, jamais extérieur à soi. Sinon, on ne le ressentirait pas en soi (simple question de bon sens.)

Résultat, les gens qui croyaient s’être libérés d’une contrainte (employeur), se retrouvent aliénés de nouveau par une autre, car l’employeur exigeant est ici remplacé par des clients qui ne répondent pas aux attentes pourtant légitimes du prétendu acteur à sa propre liberté. Il n’est (toujours) pas facile de répondre aux attentes frustrée d’un autre que soi, tandis que les nôtres hurlent aux oreilles de notre âme qu’elles sont prioritaires par rapport aux exigences présumées d’autrui.

Alors la personne qui se croyait libre en devenant soi-disant « son propre patron », réalise qu’elle est toujours prise entre le marteau et l’enclume, l’un étant formé par les réclamations extérieures des clients (mauvais payeurs, clients trop exigeants, etc.) et l’autre se résumant à des besoins intimes (toujours et autant) délaissés, à cause de cette croyance perfide en le pouvoir de l’altérité. (Le fait de croire que l’enfer est au-dehors et qu’il est nécessairement engendré par les autres.)

Cette proposition d’une piste différente de réflexion n’est évidemment pas exhaustive, mais elle me semble suffisante pour donner envie, à qui en est encore capable, de s’attaquer au véritable ennemi qui, au vu de notre capacité à en ressentir très fort les effets, ne saurait se trouver autre part qu’en nous-mêmes. Ensuite, à chacun de définir librement (ou pas) ce qu’il convient de retenir ou non de ce présent article ! Vous laisse t’il indifférent ? Vraiment ?

 

Serge Baccino

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