Complices du péché d’autrui

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Complices du péché d’autrui

Le problème de l’humanité, à notre époque, est le mensonge. Il a, au départ et comme origine première, un intérêt quelconque à cacher de véritables pensées ou actes. Voire à oublier de mentionner certains évènements. Pour quelle raison ? En toute logique, il peut très certainement y avoir de nombreuses raisons, mais nous n’en retiendrons que trois principales. La première raison, que nous placerons dans l’ordre ascendant  « de gravité », est le mensonge par peur de l’effet négatif sur autrui. Par exemple, nous pouvons cacher, à une personne cardiaque ou mourante, un évènement pouvant l’accabler plus encore. Nous pourrions voir là une certaine preuve de compassion mais en réalité, la personne qui cache se protège elle-même d’un point de vue émotif, car si elle ignore la possible réaction de la personne à laquelle elle ment, elle connaît nécessairement la peur et l’émotion qui sont les siennes.

La seconde raison, moins beaucoup moins élégante déjà, est le mensonge dans le but d’éviter un scandale, cela bien souvent aux dépens d’une tierce personne. L’exemple le plus flagrant et connu de ce second type de mensonge par omission volontaire, est celui d’une mère sachant que l’un quelconque des membres adultes de sa famille s’est permis des attouchements sur son enfant. L’excuse invoquée est souvent soit « Si jamais ton père venait à l’apprendre, il pourrait le tuer sur un coup de colère, alors tais-toi ! » ou pire encore : « Tu veux vraiment détruire notre famille par pur égoïsme et pour de regrettables caresses plus ou moins intentionnelles ? »

Dans ce second cas de mensonge, la différence est qu’il implique de faire culpabiliser une personne afin que d’autres puissent conserver un semblant de paix. On nomme cela « secrets de famille », dans l’espoir immature d’arriver à la conclusion forcée que c’est le lot inévitable de toute famille qui se respecte ! Un comble. Inutile de préciser l’impact désastreux de ce type de mensonge par omission volontaire (ou M.O.V.) aura sur l’infortunée victime non pas seulement d’attouchements mais du sentiment de culpabilité qui en résultera.

En fait, la victime en deviendra une de trois manières différentes bien que liées. Premièrement, elle sera victime d’attouchements et l’impact psychologique de ces derniers ne sera sans doute jamais effacé. En second, elle sera victime d’un sentiment de culpabilité parmi les plus difficile à résorber. Un très net sentiment de trahison pourra s’y affilier, mais en arrière-plan. Enfin, elle sera victime de la lâcheté de sa mère, de son manque d’empathie et de sa volonté de faire passer son propre confort mental et social, avant l’équilibre psychologique de son enfant.

Il existe évidemment d’autres exemples de mensonge par omission volontaire (M.O.V.) mais celui évoqué ici devrait largement nous suffire. La troisième raison consiste en un mensonge par intérêt direct et conscient. Ce dernier peut, à son tour, être décomposé en deux catégories assez distinctes. Dans la première catégorie se rangent tous les mensonges qui concourent à cacher, aux autres, tout ce dont nous ne sommes pas vraiment fiers. Disons nos erreurs, nos manquements divers et, surtout, ces moments qui nous ont surpris en fâcheuse situation.

Dans cette première catégorie se range, en somme, tout ce qui pourrait nier les prétentions de notre « Moi-Idéalisé » et, éventuellement, tout ce qui permettrait, à d’autres, d’user de nos faiblesses avérées s’ils venaient à les connaître. Cette catégorie pourrait paraître légitime au moins et ne réclamer aucune forme particulière d’attention de notre part. Or, nous verrons, plus loin, que c’est celle qui nous limite le plus et finit par rendre notre esprit plus ou moins aberré. C’est également celle qui fait l’objet du présent thème de cet article tiré d’une conférence.

Reste la seconde catégorie de la troisième raison du mensonge, en général. Cette dernière est sans doute la plus connue et la plus crainte de toutes celles déjà citées. Elle se résume à mentir à autrui dans le but soit de lui nuire, soit d’obtenir de lui une chose convoitée et impossible à obtenir d’une autre façon. Mentir dans le but de nuire, un simple exemple : une femme dit à sa supposée « meilleure amie » que son mari la trompe et qu’elle en a la preuve.

Notez au passage le souci vicieux en diable de fournir des preuves, si possible irréfutables, cela afin de détruire toute forme de résistance de la part de l’infortunée « meilleure amie » ! Une excellente manière, assurément, de se venger du bonheur supposé d’autrui et de le rabaisser à un niveau de vie qui est celui de celle qui révèle une vérité qu’elle sait pourtant blessante. C’est fou, d’ailleurs, le nombre d’ami(e) s « bien intentionné(e) s » qui font appel, en toute bienveillance et amitié, à ce type de délation purement gratuite.

L’excuse passe-partout invoquée alors : « Tu comprends, c’est parce que tu es ma meilleure amie et que je t’aime que je te révèle la vérité sur ton mec… » On est en droit de se demander comment elle agirait si elle détestait… Sa meilleure amie ! Terminons cet avant-propos avec le mensonge dans le but d’obtenir une chose convoitée, que l’on suppose ne pouvoir obtenir par d’autres solutions. Nous serions tentés d’inclure, dans cette dernière forme de mensonge à autrui, l’ensemble des commerciaux et démarcheurs de vente par téléphone. Mais il est possible que certains s’en ressentent flétris au moins.

Pourtant, que désirent tous les vendeurs, tous les commerciaux ? Vendre ? Sans doute, mais en réalité, c’est votre argent qu’ils convoitent ainsi et, possiblement, une solide commission sur les profits obtenus grâce à leur savoir-faire en matière de baratin de la clientèle potentielle. Tout l’art de la vente est de convaincre un potentiel acheteur. C’est bien connu. Mais convaincre est-il suffisant ? Il y a de quoi en douter. Au départ, les commerciaux se contentaient de décrire et de flatter les qualités d’un produit quelconque. Leur but était alors de convaincre non pas d’acheter, coûte que coûte, mais d’acheter cet ustensile-là lorsque le client avouait en avoir besoin.

Dans ce cas, le conseil était souvent éclairé, voire honnête. Par exemple : « Prenez plutôt cette machine à café, l’autre est plus chère, certes, mais cela ne représente pas un gage de qualité supérieure… » Désormais, le but est non seulement de faire acheter ce qui est le plus cher mais de faire croire au client qu’il a absolument besoin de tel article connexe que l’on ne saurait négliger, si on est un minimum conscient. Et il y a l’arme suprême, la bombe sale qui surpasse toutes les bassesses commerciales réunies : « Dépêchez-vous d’acheter cet article car il n’en reste plus que dix en stock et le prochain arrivage sera 50 % plus cher ! » À ce compte-là, qui serait assez fou pour ne pas se précipiter ?

Parfait. À présent, nous pouvons pénétrer de pleins pieds dans le vif du sujet et traiter de l’origine ou du départ de toute forme de mensonge à autrui, qu’il soit volontaire et donc, conscient, ou plus ou moins automatique et donc, plus ou moins conscient. Nous traiterons du Mensonge à soi, un des sujets phares de l’enseignement de la Psy Éso dans sa version moderne. Tout d’abord, que signifient les termes « mensonge à soi » ? Pourrions-nous nous mentir… Sans le réaliser ? La réponse est sans appel : « bien sûr que non, car nous ne pouvons pas choisir une manière de nous comporter, mentalement, sans en être automatiquement conscients. »

Cela nous paraît être l’évidence même. Alors pourquoi parler de « mensonge à soi » ? Le mensonge est de second degré, si nous pouvons le présenter ainsi. Au départ, nous savons pertinemment que nous sommes en train de mentir. C’est évident. Mais nous commettons alors une grossière erreur en tentant de justifier ce mensonge et en réussissant à y parvenir, aidés en cela par nos conditionnements mentaux. En effet, si les autres connaissaient l’étendue de nos faiblesses, le contenu de nos peurs et nos désirs inavoués (inavouées aux autres s’entend), ils pourraient fort bien s’en servir pour nous nuire.

Alors mentir devient légitime et se transforme rapidement en nécessité. Chose qui est finalement entérinée par notre subconscient. Donc, le mensonge à soi ne consiste pas à réussir à se cacher à soi-même la vérité, nous avons défini que la chose était impossible, mais bien de trouver en tout temps et tous lieux, le moyen de justifier le fait de mentir. Alors mentir devient non seulement une habitude, mais surtout, une manière d’être dont il est ensuite très difficile de s’extraire.

Toutefois, on peut se guérir de cette maladie mentale qu’est le mensonge à soi, cela en revisitant les raisons invoquées de mentir et de révoquer leur degré supposé de d’intérêt et donc, de légitimité. Symboliquement et à une plus grande échelle, c’est ce qu’entreprend actuellement le 47e Président des États-Unis. Il ne signe pas seulement des décrets : il révoque les anciens et surtout, ceux qui précèdent son mandat et en instaure de nouveaux. Il est heureux d’associer le fait que les nouveaux décrets rendent leur liberté aux citoyens américains, avec celui de faire cesser le mensonge à soi pour opter pour une franchise intelligente.

La franchise intelligente pourrait se résumer en questions existentielles très importantes. La première : « Est-ce que mon mensonge induira d’éventuelles souffrances à autrui ? » La seconde : « Est-ce que ma franchise induira d’éventuelles souffrances à autrui ? » Captez-vous la nuance ? Elle possède son importance. À présent, en quoi nous pourrions nous faire complices du péché d’autrui ? Réponse en pensant et en agissant de manière que nos proches (ceux que nous côtoyons) puissent continuer à se mentir en croyant se protéger et donc, être dans leur bon droit.

C’est ici que nous devons faire preuve d’intelligence et d’objectivité ! Il n’est pas question que vous vous transformiez en justiciers de la vérité en intraveineuse ! Il est clair que certains d’entre vous pratiquent déjà ce sport amusant (pour vous) qui consiste à expliquer aux autres ce qu’ils devraient penser, dire ou faire. On se comprend ! Ici, il n’est pas question d’imposer une vérité qui dépende en exclusivité de vos propres processus mentaux. Il est question de se montrer attentif au mensonge à soi que nous révèlent librement les autres. La nuance est à saisir rapidement !

Si vous donnez votre avis à une personne qui ne vous a rien demandé, vous êtes un simple agresseur verbal. Vous ne valez pas mieux que tous ceux qui s’occupent de la paille dans l’œil du voisin, cela parce que leur poutre commence à peser et à les aveugler un brin. S’occuper des défauts des autres est encore un moyen efficace de laisser les nôtres festoyer dans notre dos. Personne ne souffre de ne pas être compris par les autres : chacun souffre de ne pas réussir à se connaître, de peur de se comprendre et de devoir agir.

Alors quoi ? Quelle est la technique qui nous permettrait de ne plus nous faire complices des péchés d’autrui, sans pour autant nous transformer en moralisateur tyrannique ? Cette technique existe et s’appuie sur une vérité sans appel : « celui qui s’adresse à nous pour nous informer de ses problèmes, nous demande inconsciemment de l’aider à sortir du mensonge à soi. » C’est d’ailleurs le seul problème qu’il puisse avoir : se mentir. Tout le reste n’est qu’effet de cette cause unique et première. Les gens n’ont pas besoin d’être aidés : ils ont besoin de ne plus réussir à se mentir, même si c’est là leur intention pour un moment encore.

Mais c’est à eux et à eux seuls qu’il appartient de nous prévenir qu’ils sont prêts à changer. Avec un petit coup de pouce seulement, pas une intervention musclée du SWAT ! Et ils nous préviennent de leur degré de préparation uniquement lorsqu’ils viennent à nous, nous interrogent ou nous confient leurs problèmes supposés. Observez les faits : lorsqu’une conférence Zoom est lancée, même s’il y a une centaine de personnes présentes, il y a toujours une majorité qui ne participe pas. Ou qui le fait juste pour exposer des expériences vécues ou des résultats obtenus, pas pour disserter de problèmes vécus. !

D’après vous, quelle en est la cause ? Elle est très simple à comprendre. Tout être humain est capable de sentir qu’il se ment, c’est un fait, mais si sa peur des conséquences s’il venait à tout avouer, est supérieure à ce ressenti, alors il préférera continuer de se mentir et se sentir plus en sécurité. Cet état d’esprit trouve son origine dans la prime enfance, quand des parents, n’ayant pas inventé l’eau chaude, exigeaient de nous que nous leur disions la vérité, tout en réussissant à nous convaincre que nous devons être sévèrement punis pour nos fautes.

Connaissez-vous ce proverbe inventé par des démons de l’enfer : « faute avouée à demi pardonnée » ? Faut-il avoir atteint le fond de la déchéance mentale humaine pour accoucher de telles ignominies ? Ainsi, nous devenons « complices du péché d’autrui », lorsque quelqu’un qui vient à nous nous montre carrément qu’il se ment et qu’au lieu d’en tenir compte, nous préférons opter pour la conservation de nos propres mensonges à soi. Car, que pourrait-il se produire si vous aidiez quelqu’un à ne plus se mentir ?

La réponse est évidente : cette personne chercherait alors à vous rendre la politesse et se mettrait en devoir de vous placer vos propres mensonges sous le nez. Bien sûr, la personne peut aussi bien mal réagir et chercher à vous abaisser, se croyant elle-même attaquée ou mise en état d’infériorité. Voilà qui devrait suffire pour de fructueuses méditations.

(Fin de l’extrait.)

 

Serge Baccino