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Les alvéoles matricielles
Comme vous le savez déjà, nous ne pensons pas : nous sommes pensés. Et lorsque nous réagissons à nos processus mentaux supposés « nôtres », nous ne sommes même pas libres du choix de ces mêmes pensées en réaction. À la question existentielle bien connue : « Sommes-nous vraiment libres ? », la réponse est nécessairement non.
Si nous ne sommes même pas capables de penser par nous-mêmes et si au mieux, nos pensées « en réactions » proviennent de nos enregistrements mentaux préalables, comment pouvons-nous affirmer que nous sommes libres ? La Voie de la Siddha explique que nous sommes libres aussi longtemps que nous ne pensons pas. Après la pensée, nous ne sommes plus libres.
Certains ont cru comprendre dans cette sentence que la pensée nous lie, qu’une fois que nous avons émis une pensée, nous devenons obligés de la suivre. Surtout si cette pensée nous oblige ou nous engage d’une quelconque façon. (Exemple : « Je viendrai à ton rendez-vous… ») En réalité, ce n’est pas ainsi qu’il faut comprendre cette sentence plus complexe qu’il n’y paraît.
De même que cette autre sentence en sanskrit originel : « Jnanam bandam », qui est généralement traduite par « La connaissance est servitude ». La traduction plus précise devrait être « La connaissance nous lie. », Car le mot sanskrit « bandam » se traduit plutôt par « ligature » ou « lien. »
La seconde définition, « lien » nous semble plus précise et en rapport avec le sujet central de cet article. Bien que nous puissions aller encore plus loin dans l’affinement de cette traduction et remplacer « la connaissance » par « ce que nous savons déjà » ou mieux encore, « ce que nous sommes habitués à penser. » En effet, la connaissance n’est pas une mauvaise chose en soi, chacun peut en juger. Par contre, nos habitudes de penser peuvent poser un sacré problème à notre liberté.
Et manquer de liberté revient à être esclave. Esclave de nos processus mentaux récurrents. Et quand on sait que ces mêmes processus mentaux nous sont pour ainsi dire imposés, que ce n’est même pas nous qui pensons mais que « ça pense » automatiquement en nous et d’une manière récurrente, nous comprenons mieux ce que voulaient dire les premiers Maîtres Siddha. « Jnanam bandam » signifie donc que « nous sommes liés par nos processus mentaux », que nous sommes prisonnier de ces derniers, parce qu’ils se trouvent déjà en nous et qu’ils tournent en boucle dans notre mental.
Pourtant, les canons de la connaissance issue du Shivaïsme du Cachemire nous apprennent que notre nature essentielle ou première est d’être totalement libres ! Comment pourrions-nous être libres alors que nous ne sommes même pas capables de penser seuls ou volontairement ? La réponse est dans la question, comme très souvent. Nous sommes prisonniers de nos pensées, pas prisonniers par défaut ou de nature !
Pour le dire autrement, c’est quand nous pensons que nous ne sommes pas libres. Plus exactement, c’est quand nous croyons penser librement que nous devenons esclaves de nos processus mentaux. C’est donc bien le fait de penser qui nous prive de liberté. Si nous ne pensons pas ou si nous ne pensons plus, nous redevenons immédiatement libres. Spontanément !
À ce stade, deux questions supplémentaires se posent d’elles-mêmes. La première : « Les gens sont-ils conscients de ne pas penser librement, d’être sans cesse régis par leurs processus mentaux ? » La réponse est : « Non, ils ne le savent pas, cela parce qu’ils sont occupés à penser et sont, de ce fait, investis totalement dans leurs processus mentaux. » Si vous préférez, pour qu’ils en soient conscients, il faudrait qu’ils cessent de penser ! Tandis qu’ils pensent, ils deviennent ce qui est pensé, à savoir, le contenu formel de ces pensées.
Nous avons déjà appris que « l’homme est ce qu’il pense » ou que « l’homme s’identifie toujours à ses processus mentaux. » Mais désormais, nous ne saurions nous contenter de ces demi-vérités. En effet, affirmer que l’homme est ou devient ce qu’il pense, revient à affirmer que c’est bien lui qui pense ainsi ! Or, nous comprenons, à présent, que l’homme est pensé, qu’il ne pense pas (de son propre chef ou librement.)
Nous devrions donc remplacer l’ancienne formule par « L’homme s’identifie toujours aux pensées qu’il croit être siennes, alors qu’il est pensé et ne pense pas lui-même. » Nous ajouterons, pour faire bon poids, que l’homme ne peut pas faire autrement que d’en être réduit à de simples processus mentaux dont il n’est même pas l’auteur, cela parce que tandis qu’il pense, il ne peut pas être conscient. Pour être plus exact encore, tandis qu’il pense, l’homme ne peut pas avoir conscience d’autre chose que de ces pensées qui tournent en son mental (La Roue du Samsara.)
Au risque d’être accusés de couper les cheveux en quatre, nous pourrions avancer l’idée intéressante que l’homme n’est pas autre chose que de simples processus mentaux. Si quelque chose est « libre », ce sont les pensées, pas l’homme qui en est la victime plus ou moins consentante ! Ainsi, ce que l’on appelle l’homme se résume à des trains d’ondes mentales, à de l’esprit conditionné sous forme de pensées. Ce sont ces pensées qui forment notre humanité.
Nous présentions, plus haut, une idée intéressante, du moins si on la couple avec son autre polarité. Il a été dit que si nous pensons, nous ne pouvons pas être conscients d’autre chose que de ces pensées. C’est ce qui donne naissance à la conscience objective, en grande partie relative aux processus mentaux. Mais si nous ne pouvons pas être conscients tandis que nous pensons, la proposition inverse doit être tout aussi valable.
Tandis que nous sommes conscients, nous ne pouvons pas penser ! Si les pensées réapparaissent, la conscience disparaît, et inversement. N’importe quel débutant, en méditation passive, comprend très vite que de demeurer « sans pensées » est au moins très difficile ! Dès que notre attention mentale se détourne de la conscience pure (ou sans pensées), voilà les pensées qui reviennent au galop ! Comme si cet état de fait consistait en notre naturel, pour ne pas dire à notre seule façon d’être ou d’exister. C’est du moins ce que les Archontes aiment à nous faire croire.
Pourtant, nous avons tous expérimenté ces moments sans aucune pensée qui s’agite dans le mental. Mais ces moments sont aussi rares qu’inutiles selon la plupart. Si nous devions dresser un graphique de ce sujet, nous tracerions un cercle et nous écririons dedans « Conscience ». Puis, sur la même ligne, nous dessinerions un triangle et marquerions dedans « pensées » ou « esprit formel ». Enfin, en troisième position, toujours sur une même ligne, nous tracerions un carré incluant la mention « corps. »
En reliant ces trois schémas, nous en arriverions à la conclusion que la conscience à besoin de l’esprit et donc, des pensées, pour être perçue par le corps ou l’informer d’une quelconque façon. Mais ce serait complètement faux ! (Voir schéma ci-dessus.) En réalité, la conscience ne peut pas se passer du corps qui seul peut la manifester pleinement sur ce plan de conscience. Par contre, elle peut très largement se passer de l’esprit formel, autrement dit, des pensées ! Pour être tout à fait juste, les pensées trahissent la conscience plus qu’elles ne la servent !
Ce que nous nommons généralement « conscience », n’est en fait que le résultat de nos processus mentaux. Mais ce n’est pas encore la vraie conscience, celle qui rend l’homme libre et serein. On parle beaucoup de Souveraineté, à notre époque. Quelle sorte de souverain serions-nous si nous étions tributaires de processus mentaux dont nous ne sommes même pas à l’origine ? Est dit « Souverain » celui qui est capable de faire cesser le babillage des pensées incessantes qui tournent inlassablement dans le mental.
Revoyons une fois de plus cette célèbre phrase attribuée à Jésus : « Je suis dans ce monde mais je ne suis pas de ce monde… » Qu’est-ce que cela peut bien signifier, entre autres façons de comprendre cette mystérieuse phrase ?
Cela peut signifier que tandis que le corps du Maître de Galilée est bien présent dans ce monde de la 3D, son Essence véritable, à savoir sa Conscience d’Être, ne participe pas de ce monde, car elle n’a pas besoin de passer par la pensée pour toucher le corps ou pour l’animer. Jésus devait être Supraconscient et capable de demeurer de longues heures sans aucune pensée venant s’agiter dans son mental pleinement illuminé.
Mais allons encore plus loin, au risque de frôler la science-fiction ! Que signifie, en somme, être incarné ? Peut-on être incarné sans incarner quelque chose ? Et que pourrions-nous incarner, si ce n’est un état d’esprit général, aussi particulier qu’unique, si possible ?
Nous incarnons une manière d’être, un état d’esprit formel et très précis, qui fait de nous et, par exemple, une femme ou un homme digne d’intérêt et de confiance ou bien et à l’inverse, une femme ou un homme inutile à la collectivité et malhonnête au possible. C’est donc notre état d’esprit qui nous incarne. Mais pour cela, nous devons… Penser ! Et ce sont nos processus mentaux qui nous caractérisent et nous permettent « d’incarner » telle sorte de femme ou telle sorte d’homme.
En somme, dès que nous pensons, que nous laissons aller en notre mental la ronde incessante des pensées plus ou moins utiles, plus ou moins constructives, nous incarnons bien quelque chose nommé « personnalité humaine. » OK, mais alors, quand nous sommes juste conscients et que, de ce fait, nous n’incarnons rien du tout, que sommes-nous à ce moment ?
Réponse : nous sommes la Conscience, nous sommes Shiva, la Pure Présence qui repose en elle-même. À ce moment, il n’y plus de monde, de dimensions, de densité, de personnalité ou de « moi » (ego) : il n’y a que Cela que nous sommes lorsque de simples processus mentaux ne nous incarnent pas de force ! Dès que nous pensons, nous nous réincarnons ! Dès que nous cessons de penser, nous n’incarnons plus rien du tout, nous sommes « Neti, neti », c’est-à-dire ni ceci, ni cela mais juste de la Conscience Pure.
À présent, imaginons la Conscience qui « glisserait » au-dessus d’alvéoles comme celles qui sont construites par les abeilles. Chaque alvéole consiste en une façon de penser, de concevoir la vie et les autres et donc, d’incarner une certaine manière de se positionner par rapport au reste de l’univers, autant dire au reste des alvéoles.
Imaginons ensuite, que la conscience, au lieu de « slider » au-dessus des alvéoles, ait son attention mentale d’attirée par l’une de ces alvéoles lui paraissant plus prometteuse que les autres… La Conscience se glisse dès lors dans cette alvéole et se met à utiliser les outils présents, à savoir une certaine façon de penser.
Dès cet instant, nous avons « une incarnation », un rôle que le Soi se met à jouer pour son propre plaisir. D’ordinaire, la conscience s’oublie au sein non pas de « la matière », mais du fait qu’il y a « matière à penser », si l’on peut dire. Le vrai problème n’est donc pas que la conscience s’amuse à se prendre pour tel ou tel autre personnage mais bien dans le fait qu’elle puisse oublier qu’elle n’est pas ce personnage et même, qu’elle peut en changer à volonté.
On devine aisément que le travail principal des Archontes a toujours été de nous inciter à oublier de plus en plus que nous jouons un simple rôle. À un moment donné, la conscience s’imagine « mourir » au sein d’un rôle défini et n’a pas d’autres options, pour continuer à se produire, que de renouveler l’expérience. Mais cette fois, c’est un rôle qui essaye d’en jouer un autre, plus un Soi libre et Conscient qui décide change de de rôle.
Pour terminer, je vous demande de méditer quelques minutes sur ce passage de la Bible, dans la Genèse, chapitre I, versets 1 à 2 :
01 AU COMMENCEMENT, Dieu créa le ciel et la terre.
02 La terre était informe et vide, les ténèbres étaient au-dessus de l’abîme et le souffle de Dieu planait au-dessus des eaux.
Le « souffle de Dieu », « Ruach », en Hébreu, est une allusion à l’esprit informel qui est au départ séparé de la Force Vitale qui ne lui a pas encore donné « Vie, Force et Durée » (Ankh, Djed, Ouas, en Égyptien.) A vous d’imaginer la suite…
Serge Baccino