Comprendre avec le ventre

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Comprendre avec le ventre

Depuis l’enfance nous sommes confrontés au mensonge, à la duplicité et à l’incompétence des adultes à tenir leurs engagements et à se montrer vraiment attentifs et efficaces envers nous. De très nombreuses fois, nous avons senti que l’on nous mentait ou que l’on essayait de nous manipuler et en un mot, que l’on faisait tout le possible pour réussir à abuser de notre inexpérience et de notre naïveté. Le pire étant que, la plupart du temps, c’était censé « être pour notre bien » et qu’« on les remercierait plus tard » !

Cette façon de se comporter envers nous, encore très jeunes enfants, perturbait grandement nos facultés mentales. Et ne comprenant pas ce qui se passait vraiment, nous avons graduellement appris à ne pas tenir compte puis finalement, à « ne pas voir ». Cela de peur d’être dans l’impossibilité de traiter des informations contradictoires (« Je prétends t’aimer mais je trahis ta confiance. »)

À force d’être habitué à ce réflexe de ne pas voir, de faire mine que tout va bien, de « positiver », comme disent ceux qui se trahissent plus souvent que les autres, nous avons fini par ne plus voir du tout ce qui se passait vraiment autour de nous. La peur d’affronter des vérités ressenties comme étant déstabilisantes, nous a mis dans l’obligation de n’accepter et donc, de ne comprendre que ce qui ne mettait pas en péril notre (déjà fragile) équilibre mental.

Depuis ce temps, et alors que nous sommes rendus à l’âge adulte, il existe des choses que nous préférons ne pas comprendre, alors qu’une partie de nous l’a pourtant très bien compris. Le Maître de Galilée a dit : « Si je me tais, les pierres parleront… » Ici, il est moins question d’un homme que du Soi, de la conscience en soi de tout être humain, quel qu’il soit. Si nous refusons de mentaliser une information, nous commettons l’erreur de priver la conscience de cette même information.

Or, cela n’est pas possible. Cela viole une loi du fonctionnement de l’esprit. Ainsi, si la tête refuse d’assimiler une info, d’en tenir compte, de s’en pénétrer et donc, « de s’en nourrir », alors quelque chose d’autre le fera à sa place, une partie spécifique du corps humain (Pierre, Petrus, Pétra.)

Il existe une ancienne sentence ésotérique très peu connue qui, une fois remise au goût du jour, dit à peu près ceci : « Ce que tu refuses de comprendre avec la tête, tu t’en nourriras avec les intestins. » Le but étant d’assimiler, si ce ne sont pas les circonvolutions du cerveau qui « digèrent » l’information, ce seront celles des intestins, dont les formes évoquent assez fidèlement celles du cerveau. D’ailleurs, les intestins sont parfois considérés comme étant notre « cerveau somatique. »

Et puisque les infos dont nous refusons sans doute encore et toujours de tenir compte sont essentiellement négatives, voire « indigestes » (notez le mot), il est facile d’imaginer ce que nous imposons à nos intestins en refusant de regarder la réalité en face !

Pour le cerveau et/ou pour l’esprit, il n’existe aucune différence entre le fait d’assimiler une leçon et celui d’assimiler un bon repas. Ou un repas indigeste ! De fait, à la nourriture physique que nous ingurgitons, se mêlent étroitement des informations refoulées d’une nature très négative, voire destructrice.

Pas étonnant, partant, que nous soyons toujours en combat contre nous-mêmes. On parle parfois de « luttes intestines », et il faut prendre cette expression très au sérieux. Les intestins sont le foyer de guerres terribles entre les idées de bien et les idées de mal, en somme. En notre sein, une partie de nous en combat une autre en permanence. Ou presque.

Saint Augustin disait d’ailleurs « Or, ce combat au fond de mon cœur n’était qu’un combat de moi-même contre moi-même. » Ici, le « cœur » n’est pas à prendre dans le sens de zone de la poitrine mais bien dans celui de « au cœur de l’être humain. » Et ce « cœur » se situe un peu plus bas que l’étage du muscle cardiaque, plus spécialement au niveau des intestins. Voilà peut-être de quoi méditer un peu sur cet intéressant sujet.

Serge Baccino