Libre mutisme

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La principale préoccupation de ceux qui ont beaucoup de choses à dire est de faire valoir leur droit à la libre expression. Il est raisonnable de penser que cet état d’esprit est à la fois compréhensible et largement légitime.
Du moins, jusqu’à un certain degré… Car en effet, la libre expression est un peu comme un revolver chargé : entre les mains d’une personne juste, intègre et bienveillante, il assure à cette personne ainsi qu’aux autres, sécurité et justice. Une personne intègre n’usera jamais de ce droit à la libre expression pour vider ses propres poubelles intimes et transformer de ce fait les autres en dépotoir municipal (si vous suivez ma pensée.)

Nous connaissons tous de ces gens qui, sous prétexte de donner leur avis « librement », en profitent pour faire passer l’idée que ce que pensent les autres est bien moins intelligent que ce qu’ils pensent eux-mêmes, quand ils ne se vident pas carrément sur les autres, afin de soulager une intime pression dont ils sont de toutes manières toujours à l’origine.

 

 

 

 

Nous connaissons tous, aussi, de ces gens qui, sous le même prétexte bateau, en profitent pour critiquer ce même droit à la libre expression, lorsque cette dernière ne s’inscrit pas dans le cadre de leur propres certitudes intellectuelles. D’aucuns me rétorqueront que de la discussion naît la lumière, ou encore que nul ne détient la vérité absolue et qu’il est bon de connaître l’avis d’autrui pour enrichir son propre savoir. Certes ! Qui serait assez sot pour nier de telles Lapalissades ? Toutefois, il existe des « spécialistes » en matière d’appropriation de ce genre de truisme ou lieu commun. Certains sont passés maîtres dans l’art de se servir de ce genre de vérité valable pour tous, dans le but de B… tous ceux qui s’y réfèrent eux-mêmes. Par exemple, si vous prônez le libre arbitre, le spécialiste de l’appropriation de vérités morales, se servira de ce même droit pour faire tout ce qu’il veut, même (ou surtout) si ça doit nuire à votre propre liberté !

 

 

 

 

 

manipulation3Vous aurez compris que je fais ici allusion à tous les manipulateurs de notre entourage qui, noblesse oblige, sont souvent les premiers à crier au scandale du non-respect de leur liberté et de leurs droits les plus inaliénables. En rapport avec notre sujet, donc, vous avez sans doute remarqué que certaines personnes ont tendance à se servir sans vergogne de cette vérité que « nul ne détient la vérité » (surtout pas l’autre) cela dans le simple but de vous imposer leur propre version de cette même vérité. Quand on ne détient pas la vérité, on n’insiste pas pour la défendre, n’est-ce pas ?

Celui qui insiste lourdement pour imposer ses propres idées, dévoile du même coup son besoin de manipuler en argumentant de la « faiblesse » de la version d’autrui pour mieux valoriser la « force » présumée de sa propre version. En réalité, en agissant de la sorte, il démontre uniquement sa stupidité et son incompétence à mettre en pratique ce qu’il prêche avec tant de force à autrui.

 

On reconnaît l’arbre à ses fruits et non à ses prétentions.

 

 

 

 

Par ailleurs, il est inutile de détenir une hypothétique « Vérité absolue » alors qu’il nous suffit de détenir notre version ponctuelle de la vérité, c’est à dire une vérité personnelle qui nous convienne parfaitement. La défendre, jusqu’à un certain point, est donc légitime et très humain. Ce qui est plus suspect, c’est de devoir en arriver à minimiser (ou critiquer) la vérité d’un autre, cela afin de mettre en valeur la nôtre.

Nul ne peut s’élever en abaissant autrui, disait un Maître du passé.

Si vous rencontrez un jour une personne qui vous présente une vérité contraire à la vôtre, il est inutile d’argumenter si vous tenez à votre propre version. Vous pouvez évidemment échanger, tenter de voir si les deux versions ne sont pas conciliables, mais il adviendra souvent que votre vis-à-vis aura l’esprit fermé ou que son propos se résumera à une volonté farouche de vous imposer sa version qui, bien évidemment, sera présentée comme étant« supérieure » à la vôtre.

Il est aisé, avec un peu d’expérience, de définir si la personne avec laquelle vous échangez, est ouverte d’esprit ou fermée à tout ce qui est nouveau ou qui provient d’un autre. Dans ce cas là, faites appel à un autre droit qui est de plus en plus rarement invoqué, à notre époque :

Le droit au mutisme !

 

 

 

 

critiquesVous n’êtes pas obligé de répondre à des critiques. Vous n’êtes pas obligés d’argumenter pour défendre une vérité en laquelle vous avez foi, ni de chercher à vous justifier à son propos. Vous n’êtes même pas obligés de vous prostituer en disant que la version que donne un autre est « intéressante« , surtout si vous n’en pensez pas un mot, surtout si votre version vous semble meilleure (ce qui peut être vrai par ailleurs.) Bref, parfois, se taire nous évite de dire des conneries ! Mais la Maîtrise nécessaire pour réussir à se taire ou, plus sobrement, à ne même plus réagir aux tentatives d’hameçonnages psychologiques d’autrui, se mérite. Elle est le fruit d’un long travail de réflexion et, surtout, de pacification de l’ego.

 

 

 

 Serge Baccino

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