Ego spirituel ou Moi-Idéalisé

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Ego spirituel ou Moi-Idéalisé ?

Une expression qui semble devenir à la mode : « l’ego spirituel. » Un terme moderne employé surtout pour cacher un manque de connaissance réelle du sujet. Ces termes ne veulent rien dire, même si les gens pensent comprendre immédiatement de quoi il est question. Car s’ils comprenaient vraiment, ils réussiraient à ne plus tomber dans le piège de ce que ces termes sont censés véhiculer. Il n’y a pas plusieurs ego : il y a juste une tendance à conserver les préceptes d’anciennes écoles de pensée et, en particulier, ceux de la psychologie académique (ou des écoles), aujourd’hui largement dépassée, voire devenue obsolète.

Ego est un mot latin qui signifie « Je » et devrait absolument être associé à cet autre mot latin : « Sum » qui signifie « Suis », du verbe être. Nous devrions donc toujours dire « ego sum », c’est-à-dire « Je suis. » Et ce que nous sommes n’est pas, n’a jamais été et ne sera jamais un problème ! Bien au contraire. Le « Je » pris séparément, est la première partie d’un binôme, celui de la dualité mentale, à savoir le « Je et le moi. » Le « Je » est volontaire, directif et il n’est pas dans ses attributions de provoquer ou même d’induire la peur, par exemple. Contrairement au « moi » dont cela semble être l’une des nombreuses spécialités !

Bien sûr, le « Je » peut se retrouver minoritaire et donc, quasi impuissant, cela à cause d’une activité par trop accrue du « moi ». Ce dernier, en plus de contenir les informations propres à notre identité terrestre, contient la somme de toutes les souffrances, des peurs, et autres frustrations, cela sous la forme des Mémoires. En particulier de nos jours, le « moi » (ou la personnalité) des gens est en souffrance quasi constante. Entre sa peur de ne pas être « à la hauteur » et son besoin irrépressible de sécurité, d’aide et de direction, il passe tour à tour par des états de colère, de peur, de doute et d’abattement.

Le « moi » n’est pas l’ego, du moins ce n’est pas sa fonction de se prendre pour ce qu’il n’est pas. Cela est le rôle principal de ce que l’on nomme « le Moi-Idéalisé ». Le Moi-idéalisé (ou M.I.) est, pour ainsi dire, « un moi de procuration », une tentative (toujours avortée, voir pourquoi plus loin) non seulement de nier en bloc les faiblesses supposées ou avérées du « moi », mais de plus, de lui attribuer des qualités susceptibles d’œuvrer en ce sens (par compensation.)

Ces faiblesses du « moi » d’origine, comme évoqué ci-dessus, ne sont pas toujours réelles, dans le sens de réellement installées. Il suffit que ce « moi » soit persuadé d’être atteint de quelque malédiction mentale, pour que se manifeste un problème ou un autre. Qu’il se manifeste vraiment ! Car croire revient à créer, à donner vie en soi. Ce que nous incarnons ne correspond pas forcément à ce que nous sommes, en réalité (ou devrions être) : nous vivons toujours le contenu de nos pensées, en particulier celles teintées de fortes émotions.

Croire à l’existence d’une chose et « la voir » en esprit, ou incarner réellement cette chose, c’est du pareil au même pour le Moi-Idéalisé, dont la principale fonction est de tout rejeter en bloc ce qui pourrait éventuellement nous limiter.  L’idée en elle-même n’est pas mauvaise; c’est juste que le Moi-Idéalisé a pour fâcheuse tendance à exagérer un brin ! Si par exemple le « moi » est persuadé d’être faible, le M.I. lui inventera des pouvoirs cachés, ou lui fera miroiter l’idée séduisante qu’il est en fait un ange, un elfe ou qu’il vient d’une autre planète, par exemple (très à la mode ces derniers temps.)

A l’évidence, le vrai problème ne vient pas vraiment du « moi », qui a juste la bêtise de ne pas assumer ce qu’il pense lui-même à son propos et qui n’est en réalité constitué QUE D’IDÉES, pas des faits probants (du moins au départ). Le vrai problème vient, nous l’avions compris, des tentatives de notre Moi-Idéalisé pour nous protéger de… Ce que nous tenons pour fiable et vrai.

Et ce problème, donc, provient du fait que le M.I. tente de compenser ou de nier une certaine vision du « moi » à son propre sujet. Et la réaction contraire (M.I.) est toujours exagérée. A tel point qu’il est impossible, pour un « moi », de vivre vraiment selon les prétentions de son Moi-Idéalisé. Une fois que nous avons compris le véritable problème, nous pouvons nous orienter, tranquillement, vers une solution. Évidemment, l’idée n’est pas de « tuer » le M.I. ou d’essayer de s’en défaire, car son travail est autonome et lié directement à ce que nous pensons de nous-mêmes.

Le but est de comprendre que nos problèmes se résument à une difficulté majeure à ACCEPTER l’idée même de nos limites pourtant humaines. Cette tournure d’esprit, des plus salvatrices, ne doit pas viser uniquement nos faiblesses avérées mais également toute celles supposées, que nous avons tendance à collectionner, en écoutant les autres nous donner leur version à notre sujet (« Tu n’es pas assez ceci » ou « Tu es trop cela », etc.)

Ce ne sont que LES IDÉES à propos de nos limitations qui posent problème, non pas ces limitations en elles-mêmes. Il nous suffirait d’accepter cette autre idée émolliente, que nous ne sommes encore que des humains bien imparfaits et que, de ce fait,  nous devons accepter ce que nous sommes, pour le moment et… Ce que sont les autres, pour l’instant également.

Cependant, ne plus se jauger bêtement ne suffit pas : il faut aussi comprendre que du fait que les autres ne s’acceptent pas non plus et en souffre profondément, ils en arrivent à projeter leurs propres problèmes sur autrui, dans l’espoir immature que cela leur permettra de souffler un peu. Hélas ! Si cette technique digne du niveau de réflexion d’un enfant de cinq ans pouvait réellement fonctionner, après la moindre projection sur autrui, nous ressentirions un mieux ! Mais à l’évidence, nos récidives en la matière prouvent que ça ne fonctionne pas. Que cela ne fonctionne jamais ! Selon cette version, le véritable Lâcher-prise consisterait non pas à baisser les bras par défaitisme (ce qui induirait tôt ou tard de la colère) mais à s’accepter en l’état et pour le moment. Et à accepter que les autres soient au moins aussi tordus que nous !

En résumé, plutôt que de ne faire que parler de ce fameux ego spirituel, il conviendrait de comprendre réellement comment apparait le véritable problème (Moi-Idéalisé) et comment se débarrasser de l’aspect négatif de son fonctionnement défectueux. S’accepter en l’état tout en comprenant que nos limites ne peuvent être que momentanées, nous donne la force non seulement de nous accepter, de lâcher prise avec ce désir stupide de vouloir briller aux yeux d’autrui, mais de plus, d’accepter bien plus facilement les limitations d’autrui. Voilà de quoi méditer sur ce sujet.

 

Serge Baccino