Manipulateurs ou manipulés ?

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Manipulateurs ou manipulés ?

 

Une des choses qui m’avaient marquée, au tout début de mes études de psychologie comportementale, il y a une trentaine d’années de cela, c’est le fait que les personnes manipulatrices, se montraient souvent condescendantes envers les personnes qu’elles manipulaient. Un peu comme si elles en voulaient à ces personnes de… Mais de quoi, au fait ?

Non contentes de manipuler autrui, devraient-elles, ces personnes, se considérer comme étant les véritables victimes, reléguant du même coup les manipulés au rôle peu enviable consistant à demeurer leurs obligées ?

Pour quelles raisons, s’il est bien question de raison en l’occurrence, les manipulateurs témoignent-ils si peu d’estime à tous ceux qui se laissent ainsi manipuler ?

Au premier abord, et si on ne se montre pas prudent, il serait facile d’en conclure que les manipulateurs ne respectent pas leurs victimes du fait que ces dernières sont si bêtes, qu’elles se laissent avoir à ce jeu d’induction mentale, voire d’empoisonnement mental, dans les cas les plus poussés et malheureux. Mais ce n’est pas la bonne raison.

 

Pour comprendre de quoi il retourne vraiment, il faut au préalable analyser d’un peu plus près, les causes qui se cachent derrière ce besoin compulsif de manipuler autrui. Pourquoi chercher à manipuler quelqu’un, si ce n’est pour obtenir quelque chose de lui ? Une chose que le manipulateur croit ne pas pouvoir obtenir autrement qu’en le volant ? À moins que ce ne soit du fait que le manipulateur se croit définitivement incapable d’obtenir certaines choses et ce, par ses propres moyens ? Quelques instants de réflexion devraient suffire à entériner cette dernière version, inattendue certes, mais si logique et évidente par ailleurs.

En fait, la raison première pour laquelle les manipulateurs ont si peu d’estime pour les manipulés, est qu’ils sont persuadés de devoir s’humilier pour obtenir le nécessaire, cela parce que les autres refuseraient, sans cela, de leur fournir ce même nécessaire. Ou si vous préférez, le manipulateur en veut à ses victimes de « l’obliger » à s’abaisser à un style de comportement jadis critiqué (voire condamné.)

Entendez par là que le manipulateur est lui-même manipulé par ses croyances, par ses certitudes. Il est persuadé de deux choses : de sa propre incompétence et du manque d’humanité des autres, qui l’obligent à s’abaisser à ce genre de pratique honteuse afin d’obtenir le nécessaire et sans doute plus.

 

Ainsi, se laisser manipuler par autrui n’est pas une chose très saine, car soit elle permet à l’autre de nous sous-estimer, de nous voir comme une espèce de monstre sans cœur, plus faible que généreux, soit elle permet à l’autre de croire en les bienfaits de la manipulation (puisque « ça marche », n’est-ce pas.) Bien sûr, le pire niveau de manipulation mentale est atteint lorsque le manipulateur en est arrivé à la conclusion définitive que les autres ne sont que des moins que rien qui ne méritent même pas ce qu’ils ont et qu’il est tout à fait normal de le leur prendre ou, au moins, d’en profiter pour eux et à leur place.

Si possible. Par exemple, le « squatteur », celui qui essaye sans cesse de jouir du bien-être et des acquisitions d’autrui, a cessé de penser qu’il ne valait pas grand-chose puisque bien incapable de se fournir à lui-même tout ce qu’il désire. Il pense désormais, que les autres sont obligés de lui faire profiter de biens qui devraient être (aussi) les siens et qui, par quelque caprice de la Nature, lui ont été refusés. Ou volés.

De nombreux jeunes, à notre époque, sont devenus trop dépendants des autres pour avoir encore la force de vivre par leurs propres moyens. Voilà pourquoi nombre d’entre eux vivent soit en communautés, soit « chez des potes » voire « chez maman », alors qu’ils ont déjà l’âge d’avoir des enfants se préparant à en avoir également.

 

Il existe de nombreuses formes différentes de manipulations mentales.
 Toutes ont, pour origine commune, une même conclusion hâtive, que nous pourrions résumer ainsi : « Je ne suis décidément pas capable de subvenir à mes propres besoins. » Toutes découlent du même cheminement mental subconscient : « Puisque ce sont les autres qui possèdent ce qui m’est refusé, je dois réussir à le leur prendre ou à en jouir tout de même, d’une manière ou d’une autre. » Seuls les moyens de parvenir à leurs fins, classent  (catégorisent) les différentes sortes de manipulateurs.

Il y a ceux qui séduisent ou qui sont « le pote que tout le monde réclame dans une fête » et qui en profite pour bouffer et dormir une semaine chez vous, aux frais de la princesse. Il y a ceux qui font culpabiliser (« Tu ne penses jamais à moi… » « Tu es si égoïste… » etc.,) Il y a ceux qui questionnent, interrogent, remettent en cause sans cesse vos paroles, vos actes ou votre mode de vie, etc.

Et bien sûr, il y a les intimidateurs, ceux qui font clairement entendre qu’ils n’hésiteront pas à faire usage de la force, s’ils n’obtiennent pas ce qu’ils désirent de vous et qui semble leur appartenir de droit. Les criminels en tous genres sont ce qu’il y a de pire et de plus définitif en matière de manipulation mentale. À ce stade-là, plus d’espoir de rémission possible, bien évidemment.

 

Méfiez-vous toujours de ceux qui se montrent menaçants ou violents, ne serait-ce que par la parole, car ils se trouvent désormais dans l’Antichambre qui donne sur le Règne de l’animalité et l’acte risque de suivre rapidement. Des propos à caractère quelque peu agressifs montrent simplement que la personne est déçue, qu’elle attendait autre chose de vous, par exemple. Ce qui peut-être dû à une simple et très passagère déception. Surtout si la personne prétend vous aimer et « vous place un peu plus haut que votre véritable position sur l’échelle sociale ou humaine » ! Pour mieux vous descendre ensuite. Certes. Cela ne signifie pas pour autant que vous êtes « en danger » ou que la personne ne possède pas et par ailleurs, quelque qualité !

Attention de ne pas sombrer pour autant dans la paranoïa ! Seule la pratique et donc, l’habitude, vous permettra de faire la part des choses, de reconnaître le ponctuel ainsi que le définitif et de ne plus confondre les deux, comme le font souvent les gens, dans un sens comme dans l’autre.

 

Serge Baccino